• BAMAKO - Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé une restructuration de l'armée par le biais d'une loi de programmation quinquennale, à l'occasion du 53e anniversaire des forces maliennes marqué lundi par un défilé avec leurs alliés antijihadistes.

    Le défilé s'est déroulé à Bamako en présence du président Keïta, du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian et de chefs militaires. Des Casques bleus, des formateurs militaires européens et des soldats français de l'opération Serval y ont participé aux côtés de 4.700 militaires et paramilitaires maliens, d'après la télévision publique malienne ORTM.

    L'armée malienne est de retour. (...) Nous avons vu là des hommes aujourd'hui déterminés à défendre la patrie partout, a déclaré M. Keïta à l'issue de la cérémonie militaire à l'ORTM.

    M. Le Drian a salué un défilé de très grande tenue. Selon lui, la formation de l'armée par des instructeurs européens, actuellement en cours, va se poursuivre pendant deux ans.

    Dans le cadre de la célébration des 53 ans de l'armée malienne, le président malien a en outre posé la première pierre de 850 logements sociaux à Bamako destinés aux militaires. Selon l'ORTM, les travaux vont durer entre 14 et 16 mois, et le projet, dont le coût n'a pas été précisé, est le résultat d'un partenariat public-privé.

    M. Keïta a par ailleurs inauguré à Kati (près de Bamako) une stèle en hommage aux morts pour le Mali.

    Dans un discours prononcé dimanche soir, à la veille de l'anniversaire, le président Keïta a annoncé l'adoption prochaine d'une loi de programmation militaire pour la période 2014-2018 afin de restructurer les forces maliennes.

    Le début de mise en oeuvre (de cette loi) permettra de consacrer la montée en puissance de notre outil de défense sur les cinq prochaines années, a-t-il affirmé, sans préciser de calendrier, ajoutant : La réforme structurelle est en oeuvre. Je veillerai personnellement à sa conduite.

    Il a noté que le 53e anniversaire de l'armée intervenait après les péripéties affligeantes de l'histoire immédiate du Mali, qui a connu 18 mois de crise politico-militaire.

    L'épilogue de la crise a été l'élection présidentielle de juillet-août 2013, qu'il a remportée, après l'intervention militaire internationale contre les jihadistes déclenchée par la France en janvier 2013, et toujours en cours.

    Sous-équipée, mal formée et mal dirigée, l'armée malienne avait connu une débâcle face à des groupes armées, notamment jihadistes, dotés d'armes lourdes qui ont occupé les deux tiers du Mali pendant plus de neuf mois.

    Au moment où je vous parle, notre outil de défense nationale est en cours de réhabilitation, a également dit Ibrahim Boubacar Keïta, indiquant que, à l'initiative des autorités maliennes, le Mali et la France discutent présentement d'un éventuel accord de coopération militaire.

    La signature d'un accord de défense entre le Mali et la France était prévue à l'occasion de la visite de M. Le Drian mais elle a été reportée, sans explication officielle.

    Face aux groupes armés en 2012, le Mali a dû demander l'intervention militaire française, sans autre choix, et aujourd'hui, avec des menaces devenues bien plus amples et diverses, (...) l'avenir peut être encadré par un accord qui lie les parties prenantes, rendant ainsi prévisibles les actions attendues, a encore déclaré le président.

    Le Mali envisage aussi de discuter, dans un proche avenir, d'accords de coopération militaire avec d'autres pays, sans exclusion inopportune, a ajouté Ibrahim Boubacar Keïta. Mais il n'a fourni aucune précision sur ces pays.

    Les accords de coopération militaire, en discussion ou à venir, ne tiendront compte que de l'intérêt du Mali, de tous les intérêts du Mali et des Maliens, tout en renforçant nos capacités et celles de nos partenaires à faire face à l'insécurité structurelle de l'espace sahélo-saharien, a assuré le chef de l'Etat.


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  • Me Assane Dioma Ndiaye sur le decret réglementant le mariage entre militaires - «C'est salutaire... »

    e décret régentant le mariage entre militaires sénégalais est destiné simplement, dans son fondement, non pas à discriminer de façon substantielle, mais à ériger des garde-fous et à protéger des couches vulnérables, surtout les jeunes femmes qui s'enrôlent dans l'Armée, de l'abus de la position la plus dominante, du pouvoir de commandement attaché à la hiérarchie. Donc sa portée générale doit être saluée, même si de façon absolue son fondement ne peut être justifié. Toutefois, sur les principes de la non-discrimination et des droits humains, ce décret pris en octobre 2013 par le chef de l'Etat peut être attaqué. Des éléments d'éclairage avec Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits de l'homme.

    Le président Macky Sall, chef suprême des Armées, a pris le 21 octobre 2013 un décret régentant les mariages entre militaires au Sénégal. Quelle appréciation faites-vous de cette mesure, en tant que défenseur des droits humains?

    Les motivations de ce décret, c'est apparemment de protéger, une nouvelle fois, les couches vulnérables, surtout les jeunes femmes qui s'enrôlent dans l'Armée. Nous savons que l'Armée repose sur le principe hiérarchique, c'est-à-dire, vous obéissez en principe à votre chef, sauf à faire recourir à la théorie des baïonnettes intelligentes. Cela veut dire que vous pouvez refuser d'obéir à un ordre illégal. Donc en théorie, on peut penser en quelque sorte qu'un chef demande la main à une subalterne, à un soldat femme qui vient de s'enrôler, lui propose un mariage, et que celle-ci, par une sorte de contrainte morale, accepte, alors qu'en réalité ce consentement serait vicié.

    Je pense que le souci, c'est d'éviter l'abus de la position la plus dominante. C'est une question de droit, une théorie qui existe en droit. Je pense que c'est salutaire pour éviter évidemment, un certain nombre de dérapages, même s'il n'est pas exclu que des mariages normaux puissent intervenir dans le cadre de rapports très saints entre officiers ou supérieurs et soldats de classe moyenne. Nous saluons dans tous les cas ce décret. C'est une sorte de garde-fou par rapport à tout consentement qui serait basé sur la contrainte ou sous tendu par une sorte de contrainte du fait de la hiérarchie. C'est un règlement de protection, un texte qui protège.

    Evidemment ça peut porter entorse au principe général que le «cœur a ses raisons que la raison ne connait pas», mais sa portée générale doit être saluée, même si de façon absolue on ne peut pas justifier son fondement. Sur le plan des principes, c'est tout juste pour éviter des abus de la position la plus dominante, un abus d'autorité carrément.

    Du point de vue de sa constitutionnalité, ne doit-on pas s'attendre à ce que ce décret soit attaqué. Si oui, qui est-ce qui a cette prérogative?

    Il est toujours possible, si cette mesure fait grief de l'attaquer. Sur le plan du principe de la non-discrimination, on serait tenté de dire que des citoyens concernés, par exemple les gradés militaires ou même quelqu'un qui serait soucieux de l'intérêt de la loi, pourrait attaquer ce décret. Si c'est à titre individuel, il faudrait prouver que ce décret vous fait grief. Mais si vous l'attaquez, ce serait certainement sur le principe de la non-discrimination, cela serait exclusivement pris ou envisagé dans le cadre de l'Armée et non dans d'autres catégories professionnelles comme la police, la gendarmerie ou même la fonction publique ou des sociétés privées où nous assistons de plus en plus à une sorte de harcèlement sexuel qui est basé plus ou moins sur une position hiérarchique dominante.

    Sur le plan du principe des droits humains, un tel recours pourrait être fondé parce que le principe de la non-discrimination interdit une mesure qui viserait à encadrer uniquement les droits d'une catégorie professionnelle ou sociale. On ne peut pas l'exclure aussi puisque nous sommes des militants des droits de l'homme.

    Et sur le plan de la philosophie du décret, l'exposé des motifs, ce qui sous tend le décret, c'est une mesure de protection. Maintenant, il faudra discuter du principe de proportionnalité parce que des fois une mesure peut privilégier des droits et sacrifier en même temps des droits, entre la protection de couches vulnérables, notamment des jeunes femmes qui s'enrôlent de plus en plus dans l'Armée et le principe de la non-discrimination par rapport au mariage entre différentes couches de la population. Et là, certainement le juge mettra en œuvre ce qu'on appelle le principe de proportionnalité pour voir la hiérarchie des droits à protéger.

    C'est un débat qui est ouvert et vous avez bien fait de le poser. La problématique, elle est grande : d'une part on peut indiquer la non-discrimination qui serait violée dans le cas présent manifestement et d'autre part la nécessité de protéger des couches vulnérables face à un abus ou un éventuel abus d'autorité ou de la position la plus dominante. C'est des questionnements, en tout cas nous saluons la mesure tout en réservant la possibilité pour les catégories touchées de pouvoir formuler des recours si elles estiment nécessaires ou si la mesure leur portait préjudice d'une manière ou d'une autre.

    Plusieurs pays ont accepté d'intégrer des femmes dans l'Armée. Avez-vous souvenance de la prise de tels garde-fous dans un pays?

    Certainement cette mesure n'est sans doute pas une particularité du Sénégal. Si le Sénégal en est arrivé à prendre cette mesure c'est que c'est en rapport aux dérapages qui ont été constatés un peu partout à travers le monde par rapport à la situation des femmes qui s'enrôlent dans l'Armée, surtout dans les zones de conflits où il y a une promiscuité très longue entre la hiérarchie et les hommes de troupes. Certainement tout ça pousse l'humanité de plus en plus à envisager un certain nombre de normes, soit à travers des Conventions internationales ou bien même à partir de bonnes pratiques.

    Je ne connais pas de Convention internationale régissant la matière, mais ça doit être une bonne pratique qui est partagée à travers le monde et qui fait que seule l'Armée, dans cette catégorie professionnelle, est souvent appelée à s'expatrier ou à se cantonner dans une zone bien déterminée pendant un temps aussi longtemps et qui implique une promiscuité entre hauts gradés et hommes de troupes et soldats. Donc ça explique que cette réglementation puisse s'attacher à l'Armée simplement, c'est une particularité du fonctionnement de l'Armée qui est appelé souvent à défendre le territoire, à se positionner dans des zones géographiques déterminées ou même à aller dans des zones de mission en des temps relativement longs et impliquant une promiscuité.

    C'est une bonne pratique destinée simplement, dans son fondement, non pas à discriminer de façon substantielle, mais à ériger des garde-fous et à protéger des couches vulnérables surtout en vertu de ce pourvoir de commandement qui est attaché à la hiérarchie et de l'obligation souvent d'exécution des hommes de troupe.


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