• DÉFENSE ET SÉCURITÉ : PLACER L'EUROPE DE LA DÉFENSE SUR UNE NOUVELLE ORBITE

    Dix ans après le Sommet bilatéral de Saint Malo, entre Français et Britanniques, qui avait donné le coup d'envoi à la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) moderne, la France entend profiter de sa présidence pour renforcer l'Europe de la défense, si ses partenaires, notamment britannique et allemand, le lui permettent.

    L'objectif affiché est « de renforcer la PESD dans toutes ses composantes » - capacités européennes, instruments de la PESD, partenariats stratégiques, traité de Lisbonne - pour faire de l'UE un « acteur global et autonome en matière de gestion des crises ». Et d'aboutir ainsi au Conseil européen de décembre 2008 à un document permettant « d'enrichir » la Stratégie européenne de sécurité, de 2003, avec d'autres aspects (climatique, énergétique, terrorisme).

    RENFORCER LES CAPACITÉS

    Le renforcement des capacités de l'UE sera à l'ordre du jour. Ce sera même, affirme un diplomate, la « principale priorité » de la future présidence. Ou comment « avec des moyens limités, rationaliser l'utilisation de certains moyens ».

    Premier chantier : « renforcer l'interopérabilité » des groupements tactiques (Battle groups) et « rationaliser » l'emploi par l'UE de forces multinationales (Eurocorps, Euromarfor ) auxquelles participent également certains des Etats membres. L'idée n'est pas vraiment de toucher aux « battle groups » pour l'utiliser sur d'autres terrains. « Le concept est bon et l'élargir à d'autres missions ou l'utiliser à la place des conférences de génération de force pour une opération donnée le dénaturerait et aurait des conséquences négatives par la suite ; les Etats pouvant refuser de s'engager dans le tour de permanence », explique un expert militaire. Il s'agit davantage d'aller vers un concept plus interarmées - en intégrant le maritime et la police par exemple - et également d'avoir d'une meilleure structuration avec les autres corps européens. Par exemple, le « battle group » pour la première réaction rapide, légère et l'Eurocorps en relève ou pour un temps plus long (UE comme Otan). Nous devons renforcer « l'utilisation de certaines forces en commun: pourquoi pas un groupe aéronaval européen ou s'organiser pour utiliser l'avion de certains pays pour assurer la sécurité de l'espace aérien des autres Etats ? » explique un officiel français. Les concepts maritime et aérien ayant été agréés, il s'agit maintenant d'adopter le concept de « réaction rapide militaire ».

    Un premier bilan du (léger) renforcement de l'Etat-major européen sera fait, normalement en octobre, sur la base d'un rapport du Haut représentant (suivi des mesures post-Wiebaden). La question étant de savoir s'il faut poursuivre dans cette direction ou non.

    Deuxième chantier : la révision du mécanisme Athéna. Prévue tous les deux ans cet exercice intervient à un moment crucial. L'opération Eufor Tchad a montré que le financement commun était trop limité. L'idée est donc de l'élargir, au moins de manière symétrique à ce qui a été fait à l'Otan. Cela peut paraître logique, mais n'est pas évident, les Etats contributeurs nets étant réticents. Il faut arriver à faire reconnaître que la sécurité de 27 Etats membres ne peut plus reposer uniquement sur le financement de quatre pays, explique un responsable français.

    La présidence entend aussi adapter l'action commune sur l'Agence européenne de défense et « développer son budget opérationnel » ; et réviser, au besoin, les actions communes sur le Centre satellitaire de Torrejon et sur l'institut d'études de sécurité de l'Union.

    En matière de formation européenne, il s'agira de modifier la décision établissant le Collège européen de sécurité et de défense. La présidence entend aussi porter le projet d'un «Erasmus militaire», auquel une conférence sera consacrée en décembre.

    COOPÉRATIONS INDUSTRIELLES

    La présidence française veut « des avancées sur l'industrie de l'armement et sur le nucléaire », explique un officiel français. « Nous pourrions travailler avec les Allemands ou avec les Britanniques sur les blindés ou un sous-marin par exemple ». Il existe des coopérations possibles dans les domaines de « l'espace ou du renseignement ». Avec l'arrivée, à l'horizon 2010-2012, du nouvel avion de transport tactique militaire l'Airbus A400M, rien ne s'oppose aussi, du coté français, à ce qu'une partie de la flotte tricolore « soit gérée, alternativement, au niveau européen ».

    La présidence française devra également, sinon boucler, du moins conduire la mise en place d'un marché européen de la défense, avec les deux directives sur l'ouverture des marchés publics de la défense et l'allègement des charges en matière de circulation des biens de défense à l'intérieur de l'UE. Ce dernier dossier où la France semblait réticente dans les premiers temps, a fait l'objet d'un arbitrage au plus haut niveau, dans le sens de l'adoption de la directive, avec la mise en place de certains « garde-fous ».

    SUIVI DES OPÉRATIONS

    Coté opérationnel, le point important sera la révision à mi-mandat de l'opération UE-Tchad (septembre), ainsi que le lancement opérationnel de la mission Eulex au Kosovo (le déploiement ayant pris du retard). Il s'agit aussi de réviser l'opération militaire Althéa en Bosnie-Herzégovine, et d'envisager le futur « en fonction de l'état final et du contexte régional de sécurité ». Le point acquis jusqu'ici - et répété au dernier Conseil Défense - est qu'il n'y aura pas de désengagement unilatéral d'un Etat membre. Mais il faudra définir comment sortir de cette mission et par quoi la remplacer.

    Des « décisions seront à prendre » aussi sur les missions Eupol (Police) Afghanistan, Eujust Lex (Etat de droit) Iraq et Eubam Rafah (frontières). Même si ce sujet n'est pas inscrit formellement au programme, la présidence française aura, peut-être, à se préoccuper de piraterie maritime, si l'Onu vote une résolution en ce sens et que l'UE décide d'y contribuer. Cette participation constituerait un pas important pour la marine européenne qui reste un secteur peu développé de la PESD.

    PARTENARIATS STRATÉGIQUES

    La priorité au partenariat stratégique avec l'OTAN devrait également être réaffirmée. Cette mention habituelle des programmes de présidence pourrait, cette fois, ne pas être une clause de style. Nicolas Sarkozy n'a pas caché son désir de voir la France réintégrer le commandement de l'Otan, programmé après la présidence de l'UE, en 2009. Même si l'ouverture américaine, affirmée au sommet de l'Otan en avril à Bucarest, semble positive et l'attitude à l'égard de l'organisation atlantique « plus pragmatique », l'attitude des Britanniques et des Allemands sera déterminante pour le futur de ce dossier.

    Autre partenariat stratégique qu'il faudra examiner, celui avec l'Union africaine qui vise à renforcer les forces de maintien de la paix du continent noir. La tenue d'un Eurorecamp durant ce semestre  ne pourra avoir lieu (le retard dans la planification le pousserait davantage vers 2010).

    Troisième partenariat avec la Russie, plus politique celui-là, mais qui pourrait être l'occasion d'aborder les sujets délicats, comme la question des missiles ou l'élargissement de l'Otan à l'Est, tout comme la situation au Kosovo, en Géorgie ou en Transnistrie.

    Au final, à l'examen de cet ensemble de propositions, on peut cerner sinon un changement de la vision stratégique hexagonale du moins une inflexion. Terminés les grands projets portés un temps par la France comme le Quartier général européen ou une armée européenne, du moins leur affichage en tant qu'objectif immédiat. Ces projets ont, en effet, souvent hérissé les partenaires européens, et pas seulement la Grande-Bretagne, où cette question demeure extrêmement sensible. Ce sont des «idées bien sympathiques mais qui n'ont pas changé grand chose », précise-t-on à l'Elysée, dans l'entourage présidentiel. Où l'on met en avant la déclaration de George Bush, lors du dernier sommet de l'Otan à Bucarest, « reconnaissant pour la première fois la nécessité d'une défense européenne ».

    Réunions et évènements

    Le Conseil informel des ministres de la Défense aura lieu les 2 et 3 octobre, à Deauville en Normandie. Un déplacement sera organisé au mémorial de Caen (musée d'histoire du XXe siècle et de la deuxième Guerre mondiale). Une revue des forces navales européennes pourrait être organisée fin octobre à Toulon. Autres évènements Défense et sécurité (provisoire):www.europolitique.info > recherche = 227011


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