• Suspendu pour avoir dénoncé les abus de soldats de la paix

    Un haut cadre de l’ONU basé à Genève rompt un pesant silence sur des soldats français accusés d'avoir commis des abus sexuels sur des enfants en Centrafrique. Sa hiérarchie l'a suspendu.

    Un gros scandale est-il en train de se tramer dans les travées des Nations Unies à Genève? Le directeur des opérations de terrain du Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme vient d’être suspendu pour avoir fait circuler un rapport interne explosif. Il concerne de graves accusations contre les troupes françaises engagées au Centrafrique, dans le cadre de la mission de paix.

    Selon ce rapport, que le haut fonctionnaire de l’ONU a fait parvenir aux autorités françaises, des soldats français auraient commis entre décembre 2013 et juin 2014, de façon répétée, des abus sexuels dans un centre pour déplacés sis dans l’aéroport de Bangui. C’était juste avant que la MINUSCA, la mission de paix de l’ONU, ne soit formellement déployée dans le pays. Le rapport estampillé «confidentiel», selon The Guardian qui révèle l’affaire, fait état de témoignages de plusieurs enfants qui racontent avoir été violés et abusés sexuellement en échange de nourriture par des soldats français, censés les protéger. Certains des enfants ayant témoigné auprès des enquêteurs de l’ONU avaient entre 9 et 11 ans. Ils ont pu donner des descriptions détaillées des soldats incriminés. Beaucoup de ces enfants recueillis dans ce type de camp sont orphelins ou ont déjà subi de graves traumatismes liés au conflit qui mine la République centrafricaine depuis deux ans. Lundi, le HCR s’alarmait encore du manque de fonds pour venir en aide aux populations dans cette crise oubliée.

    Si ce rapport confidentiel a fuité, c’est que le haut fonctionnaire basé à Genève semble avoir été agacé par la passivité de sa hiérarchie dans cette affaire. Le document est aussi parvenu à l’ONG Aids Free World, qui dénonce régulièrement les abus commis par des casques bleus dans différentes zones de conflit et l’inaction récurrente de l’ONU face à cette problématique. L’ONG demande la création d’une commission d’enquête indépendante sur ces faits que l’ONU s’emploie selon elle à «ignorer, nier et couvrir systématiquement». Par le passé, plusieurs scandales avaient déjà touché les missions onusiennes de maintien de la paix, notamment en République démocratique du Congo.

    Le haut fonctionnaire qui a alerté les autorités françaises a été suspendu de ses fonctions par sa hiérarchie la semaine dernière. Ce Suédois était en poste depuis trente ans dans différents services de l’ONU. Or l’ambassadeur de Suède auprès des Nations Unis n’aurait guère apprécié cette mise à pied et l’a fait savoir auprès de hauts responsables onusiens, selon The Guardian.

    Mercredi soir soir, après ces révélations, l’ONU a expliqué avoir mené au printemps 2014 une enquête sur ces accusations. Elle a confirmé avoir suspendu un de ses cadres pour avoir transmis en juillet 2014 les résultats de cette enquête aux autorités françaises «au mépris des procédures». (24 heures)


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  • L'armée française est en surchauffe

    Toujours plus de missions avec toujours moins de moyens, les soldats français sont à la limite.

    «Mesdames et Messieurs les députés, il n’y a pas de gras dans nos armées. On attaque le muscle, alors que la situation sécuritaire se dégrade! C’est mon devoir de vous le dire.» C’était le 7 octobre dernier, devant l’Assemblée nationale, à Paris. En plein débat budgétaire, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, assénait ces quelques jolies formules pour défendre ses troupes. Et leur rôle essentiel en ces temps de menaces croissantes en Afrique, au Moyen-Orient ou encore en Europe de l’Est. Mais, surtout, le général d’armée mettait en garde contre un dégraissage excessif qui, selon lui, menacerait directement les capacités opérationnelles des militaires français.

    Il faut dire que, depuis une quinzaine d’années, les armées françaises ont rarement été autant sollicitées par leur chef, qui n’est autre que le président de la République, aujourd’hui le socialiste François Hollande.

    Longue liste d’interventions
    Mali, Côte d’Ivoire, République centrafricaine, Afghanistan, Liban, Irak, Syrie, golfe de Guinée, océan Indien… Non exhaustive, la liste des interventions militaires françaises à l’étranger donne le tournis. On se croirait à l’époque coloniale, quand l’Empire français ne cessait de s’agrandir. Il n’en est évidemment rien.

    En ce début de XXIe siècle, la France, en plein marasme économique, n’est plus qu’une puissance moyenne sur le déclin. Toutefois, sur le plan diplomatique et militaire, ses dirigeants, de droite comme de gauche, veulent à tout prix maintenir son rang. Et son prestige.

    Résultat: amenés à intervenir de plus en plus souvent avec de moins en moins de moyens et d’effectifs, les militaires hexagonaux sont au taquet, risquent le burn-out en permanence. «A l’heure où je vous parle, expliquait encore le général de Villiers aux députés, nous avons plus de 20'000 militaires déployés hors de la Métropole, dont plus de 8000 au profit de 27 opérations sur quatre continents, dans les airs et sur tous les océans.» Un nombre considérable, si l’on songe que l’armée française compte aujourd’hui à peine plus de 220'000 soldats et soldates.

    Effectifs à la baisse
    Les effectifs, justement. Comme partout en Europe depuis la fin de la guerre froide, les armées françaises ont subi des coupes claires dans leurs rangs. Pas seulement à cause de l’abandon de la conscription et du passage à une armée de métier voulue par Jacques Chirac en 1996. Non, à l’instar de nombreux pays, les militaires hexagonaux – qui n’osent pas trop protester – ont été les plus touchés par les économies de personnel. Et ce n’est pas fini. Toujours selon le général de Villiers, de 2009 à 2019, les effectifs français auront encore baissé d’un quart. Rien que pour 2014, les militaires assumeront 60% des suppressions d’emplois d’Etat. «Au vu des engagements récents de la France, on ne peut guère imaginer une baisse supplémentaire», commente Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse, historien et grand spécialiste en la matière.

    Matériels obsolètes
    Mais il n’y a pas que les hommes qui viennent à manquer ou sont épuisés. Si, avec ses Rafale, ses drones dernier cri ou ses sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, l’armée française n’a rien à envier aux plus modernes de ses homologues, certains de ses matériels sont à la limite de la rupture et de l’obsolescence. Comme ses véhicules de l’avant blindés (VAB), dont certains crapahutent sur les pistes africaines depuis bientôt quarante ans, ou encore ces avions ravitailleurs KC-135 qui, comme les Caravelle, datent du début des années 1960. «Qui accepterait aujourd’hui de voler dans une Caravelle?» s’interrogeait encore le général de Villiers au parlement.

    L'armée française est en surchauffe

    Un budget «garanti»
    Toujours plus de missions, mais toujours moins de moyens et d’effectifs. La crise n’épargne pas les militaires. Et désormais, comme n’importe quelle entreprise, l’armée française doit viser l’efficience pour utiliser au mieux les ressources qui lui sont allouées. Selon la loi de programmation militaire 2014-2019, elle est censée pouvoir compter, durant ce laps de temps, sur un budget annuel «garanti» de 31,4 milliards d’euros. Mais, pour 2015, 2,4 milliards de cette somme devraient provenir de la vente, bien aléatoire, d’actifs immobiliers et de fréquences hertziennes. Bref, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, va devoir faire preuve d’imagination pour pérenniser son budget. Parmi les idées à l’étude: le leasing d’avions de transport ou d’hélicoptères de patrouille maritime. Autre difficulté budgétaire: les fameuses opérations extérieures (OPEX) qui, comme on l’a vu, se multiplient et qu’il faut bien financer. En 2014, la facture des OPEX s’élèverait à 1,1 milliard d’euros. Hors budget.

    «Comparée aux autres armées européennes, la française ne se porte pas si mal, relativise Alexandre Vautravers. Avec 31,4 milliards d’euros par an (soit 2,3% de son PIB), la France fait partie des rares Etats de l’OTAN (5 sur 28) qui dépassent l’objectif commun de 2% du PIB accordés à la Défense. Même si la tendance devrait être à la hausse ces prochaines années, la moyenne de l’OTAN est actuellement de 0,8%, soit le pourcentage de la Suisse», poursuit le spécialiste. Et de souligner que «certains membres de l’Alliance atlantique n’ont pas de forces aériennes, voire pratiquement pas de forces armées, laissant aux Américains le soin d’assurer leur défense».

    Ambitions démesurées
    Finalement, la France n’aurait-elle plus les moyens de ses ambitions planétaires? Peut-être, s’il faut en croire ce que suggèrent certains de ses officiers supérieurs, comme son chef de la marine, l’amiral Bernard Rogel. «Entre la dissuasion nucléaire qui impose au moins un sous-marin lanceur d’engins en permanence à la mer, la participation à plusieurs OPEX et la surveillance du deuxième domaine maritime du monde derrière les Etats-Unis, la marine française est aussi en surrégime. A la mi-novembre, 35 navires et 4500 marins étaient «à la mer», ce qui faisait dire à son chef que «la marine est actuellement en dépassement de son contrat opérationnel», fixé en 2013 et qui ne prévoyait que deux zones de déploiement. Or nous en sommes actuellement à quatre, voire cinq.» Trop c’est trop.

    Remise en cause
    Face à ce sombre tableau, Alexandre Vautravers relève que plusieurs pistes sont à l’étude pour dégager des moyens. Sur le plan strictement budgétaire, «une réelle discussion a commencé à propos de la dissuasion nucléaire qui, à elle seule, représente 23% à 24% du budget de la Défense». Enfin, conclut l’expert, «une plus grande «européanisation» de la défense serait évidemment l’idéal. Malheureusement, l’OTAN a clairement pris le pas sur cette ambition. Les rapports les plus récents montrent par ailleurs que la crise économique a freiné cet élan de collaboration: les programmes européens (A400M, Eurofighter) sont ainsi sensiblement plus coûteux et tardent davantage que les projets nationaux.» Bref, à moins d’une dégradation spectaculaire de la situation dans le monde – que personne ne souhaite –, les armées françaises vont devoir continuer à parer au plus pressé.


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  • La France va appuyer son dispositif militaire au Sahel sur quatre pays

    Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a présenté vendredi 24 janvier 2014 le nouveau dispositif militaire français au Sahel

    Paris compte sur les États-Unis pour le soutenir dans un rôle de surveillance et d’intervention contre les groupes djihadistes de la région

    Les deux pays se placent sur une échelle de temps relativement longue

    La France a entrepris de réorganiser son dispositif militaire au Sahel autour de quatre pôles principaux, pour renforcer l’efficacité de ses forces dans la lutte contre les groupes djihadistes qui opèrent dans cette zone immense.

    Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a présenté vendredi 24 janvier à Washington ce nouveau dispositif à son homologue américain Chuck Hagel, alors que des troupes françaises étaient en action au Mali : onze djihadistes ont été tués et un soldat français a été blessé lors d’une opération de « contre-terrorisme » menée de mercredi soir à vendredi matin dans le nord du Mali.

    « Le risque d’un chaos libyen »

    L’opération Serval au Mali, déclenchée il y a un an, a permis de porter des coups très durs aux islamistes armés qui contrôlaient le nord du pays. Mais l’intervention française a aussi provoqué la dispersion de milliers de combattants dans la zone sahélienne, notamment dans le sud de la Libye devenue une « zone grise », qui échappe à tout contrôle, et le lieu de tous les trafics. Pour Jean-Yves Le Drian, le redéploiement français doit notamment servir à se « prémunir demain contre le risque d’un chaos libyen ».

    « Continuer d’exercer une pression »

    « Le danger d’une recomposition des groupes islamistes existe, même s’il n’est pas encore avéré. Il faut contenir cette menace, continuer d’exercer une pression suffisante pour l’empêcher de se développer », souligne un responsable du ministère de la Défense. Paris a donc décidé de rapprocher son dispositif de la zone où ses forces sont le plus susceptibles d’intervenir. C’est-à-dire essentiellement dans le nord du Mali, du Niger et du Tchad, trois pays voisins.

    Un dispositif de 3 000 hommes

    Le nouveau dispositif devrait y maintenir environ 3 000 hommes. Il s’agit de réarticuler les forces autour de quatre pôles spécialisés – Gao (Mali), N'Djamena (Tchad), Niamey (Niger) et Ouagadougou (Burkina Faso) – pour faire face à une menace devenue régionale. À terme, il ne devrait pas y avoir plus de soldats français en Afrique, mais ils seront répartis légèrement différemment. Serval a en effet rappelé aux états-majors l’importance des "élongations", les milliers de km à parcourir pour acheminer les hommes et le matériel dans la zone d’action.

    Les moyens aériens stationnés à N'Djamena

    Au Mali, où le contingent français doit être ramené à un millier d’hommes dans quelques mois, Gao devrait devenir une sorte de plaque tournante d’où les forces poursuivront leurs opérations dans le nord du pays au côté de l’armée malienne. Les forces terrestres stationnées à N'Djamena (950 hommes) joueront, selon la Défense, en cas de besoin le même rôle dans le nord du Tchad. L’essentiel des moyens aériens français (avions de chasse Rafale et Mirage 2000D) restera stationné dans la capitale tchadienne.

    Les Forces spéciales basées à Ouagadougou

    Niamey, où sont déployés les deux drones Reaper acquis récemment aux États-Unis, doit servir de plate-forme logistique et de pôle de renseignement. Enfin Ouagadougou servira de base aux Forces spéciales, les premières en action en cas de coup dur.

    Des bases avancées à Tessalit et Faya-Largeau

    À cette « ligne de déploiement principale », s’ajouteront des bases avancées, beaucoup plus au nord, en cours de négociations avec les capitales de la région. Tessalit au Mali, à moins de 100 km de la frontière algérienne, Faya-Largeau dans le nord du Tchad, près de la frontière libyenne, devraient accueillir de petits contingents de quelques dizaines d’hommes. « Il s’agit pour nous de prépositionner des stocks logistiques et un petit effectif », indique un responsable militaire. Ces stocks de carburant ou de munitions permettront de renforcer la réactivité des forces françaises « là où les choses se passent vraiment ».

    Un troisième rideau en Afrique de l’Ouest

    Le troisième rideau des forces françaises en Afrique de l’ouest devrait globalement rester le même, avec ses implantations au Sénégal (350 hommes), au Gabon (940), en Côte d’Ivoire (450), auxquelles s’ajoutent les 1.600 soldats engagés dans l’opération Sangaris en Centrafrique.

    Soutien américain en matière de renseignement

    Cette « régionalisation » de la lutte contre la menace djihadiste doit se dérouler « dans le temps relativement long » et Paris compte notamment sur la poursuite du soutien américain en matière de renseignement. Washington avait également aidé Paris en matière de ravitaillement et de transport aérien au début de Serval.

    Au Sahel, les deux pays partagent la même analyse de la menace et la France veut développer sa coopération avec Washington.

    Coopération dans la formation des armées africaines

    En marge de son entretien avec Chuck Hagel, Jean-Yves Le Drian a aussi évoqué un renforcement de la coopération avec Washington « dans le domaine opérationnel » mais aussi de la formation des armées africaines. Le ministre français a par ailleurs rencontré le directeur national du renseignement américain (DNI) James Clapper.


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  • Un an après, quel bilan pour l’opération Serval au Mali ?

    Le 11 janvier 2013, le président François Hollande engageait l’armée française au Mali contre les djihadistes (opération Serval). Le Mali était alors coupé en deux et dirigé par un gouvernement provisoire sans légitimité démocratique.

    Un an après, la situation sécuritaire s’est considérément améliorée et le Mali est dirigé par un gouvernement démocratiquement élu. Mais le pays reste dans une situation fragile.

    Quelle est la mission de l’opération Serval aujourd’hui ?

    En un an, Serval a libéré le nord de la boucle du Niger, tué des centaines de djihadistes (l’armée ne donne pas de bilan officiel mais l’on évoque 600 djihadistes). Six Français ont perdu la vie dans cette mission et une cinquantaine ont été blessés. « Les opérations se poursuivent en permanence, affirme le colonel Gilles Jaron, porte-parole de l’état-major des armées. Elles consistent à combattre les groupes terroristes, à les désorganiser et les neutraliser. Ces groupes n’ont pas disparu mais aujourd’hui, ils ne peuvent plus conduire des opérations sur la durée. »

    Pour ce faire, l’opération Serval mobilise environ 2 500 soldats et dispose d’une quinzaine d’hélicoptères (Gazelle, Puma et Tigre). Le camp principal de la force Serval se situe à Gao, sur l’aéroport de la ville, dans le nord du pays.

    Au mois de février, son effectif devrait diminuer à 1 600 soldats avant d’atteindre le millier ces prochains mois. Contrairement à ce qu’annonçait François Hollande au début de l’opération, tout indique que l’armée française restera longtemps au Mali sur le modèle du Tchad (opération Épervier depuis 1986) ou de la Côte d’Ivoire (opération Licorne depuis 2002).

    Quelle est la situation sur le plan de la sécurité ?

    Toutes les zones occupées par les djihadistes ont été libérées par la France. La vie des Maliens est quasiment revenue à la normale dans le nord du pays. Ils ne vivent plus sous la loi de la charia et peuvent aller et venir sans restrictions.

    Cette année, Tombouctou et Gao ont été à plusieurs reprises la cible d’attentats commis par des djihadistes. Mais ils ne leur ont pas permis de reprendre la main dans la région. À Kidal, les relations entre l’armée malienne et les Touaregs restent tendues. 

    Pour disperser une foule venue manifester leur opposition à la visite du premier ministre malien Oumar Tatam Ly (28 novembre 2013), l’armée malienne a tiré sur elle à hauteur d’homme, blessant à mort une manifestante. Un acte minimisé par Bamako et l’Élysée. De source militaire, « Kidal reste très dangereuse pour les Occidentaux », comme en témoignent l’enlèvement et le meurtre de deux journalistes de RFI, le 2 novembre dernier.

    Quelle est la situation politique ?

    En un an, le Mali s’est doté d’un président et d’un Parlement démocratiquement élu. Une première depuis le renversement d’Amadou Toumani Touré, le 22 mars 2012. Le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta, membre de l’International socialiste, est présenté comme un proche des socialistes français.

    Si le Mali a retrouvé un cadre démocratique, la vie politique n’a pas changé. Les élections n’ont pas été l’occasion de renouveler sa classe politique, de faire accéder une nouvelle génération d’hommes et de femmes à la tête de l’État.

    Les pratiques n’ont pas non plus changé : il y a beaucoup de discours, de rencontres, d’alliances et très peu d’actes significatifs. Rien n’a été fait en faveur de la réforme de l’État, de la lutte contre le chômage (des jeunes en particulier) et de la corruption (Ibrahim Boubacar Keïta a pris des engagements sur le sujet lors de ses vœux pour l’année 2014), de la relance de l’économie, de la réforme de l’éducation et de la santé.

    Seule avancée palpable, le sort du « général Sanogo », le militaire responsable du putsch du 22 mars 2012 a été arrêté et inculpé « pour enlèvement et séquestration », le 27 novembre 2013.

    Le rôle de la force africaine

    La force africaine envoyée au Mali (Minusma) agit sous pavillon onusien depuis le 1er  juillet 2013. Sur les 12 000 hommes initialement prévus à la fin de l’année 2013, on n’en compte que 6 300. Les États membres de l’ONU ne se bousculent pas pour remplir leurs engagements.

    Les principaux contingents engagés au Mali proviennent d’Afrique francophone : Burkinabés, Tchadiens, Nigériens. Ils prennent place dans les zones libérées par la France. Bamako leur reproche leur attitude « passive » à Kidal, en particulier sur l’épineux dossier du désarmement des troupes du MNLA

     


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  • Vous avez aimé la carte judiciaire ? Vous adorerez la carte militaire ! La réforme des armées, dont Nicolas Sarkozy va annoncer le lancement, ce matin, devant 3 000 militaires, revêt une ampleur particulière. Elle déterminera, en effet, l'influence de la France dans le monde et la santé économique des 450 communes confrontées à des déménagements, des fermetures et des concentrations de bases ou de régiments.

    Dans ce domaine, plus encore que dans d'autres, le gouvernement hérite d'un dossier trop longtemps oublié, malgré les bouleversements spectaculaires du paysage international et à cause de l'inertie des pouvoirs successifs. Nicolas Sarkozy a décidé, lui, de piloter frégates et sous-marins comme des dériveurs. Pour rattraper le temps perdu.

    Car il y a tout de même quelques années que le mur de Berlin est tombé. Quelques années que la pieuvre terroriste se déploie de la Mauritanie à l'Afghanistan. Quelques années que nos frontières ne sont pas étanches au point de pouvoir dissocier ce qui se passe sur la planète de notre sécurité intérieure. Quelques années que nous pourrions faire mieux avec moins entre Européens. Curieusement, la France demeure davantage organisée pour répondre à une menace d'invasion terrestre qu'à la menace Al-Qaida.

    Elle dispose de chars sans ennemis ou sans pilotes entraînés. Avant longtemps, elle ne comptera qu'un porte-avions à mi-temps, faute de pouvoir financer un second Charles de Gaulle. Tous ses grands programmes sont retardés d'année en année. Elle manque d'hélicoptères et d'avions en état de participer aux missions internationales. Elle a souvent les hommes, pas toujours les moyens ne serait-ce que de les transporter. Gâchis illustré par le sauvetage des otages du Ponant, au large de la Somalie, qui a failli tourner au drame en raison d'une succession de pannes de navires et d'avions. Et c'est nous, pays aux idées larges et aux moyens étriqués, qui tirons la sonnette de l'Onu pour revendiquer une force contre la piraterie maritime...

    Pour remettre nos armées en ordre de marche, il faudrait, au bas mot, 6 milliards d'euros de plus par an. Que nous n'avons pas. Et qu'il serait politiquement explosif de réclamer au moment où l'on supprime des postes dans toutes les administrations. L'armée est alors priée de se concentrer pour s'autofinancer. En supprimant un emploi sur cinq, elle devra trouver les moyens de sa modernisation. Le ministre Hervé Morin ne s'en tire d'ailleurs pas si mal : dans un contexte de rabotages financiers, il sauve son budget. La gauche - coresponsable de cet état de fait - serait mal venue de critiquer cette réforme, sauf lorsqu'elle déplore sa faible dimension européenne.

    Tout le monde peut comprendre la doctrine et l'économie de ce Livre blanc qui définit notre défense pour quinze ans. Mais, dans la série « je suis d'accord à condition que ça se passe chez les autres », le vrai test se jouera sur la carte militaire. Pas dans les grandes villes, souvent ravies de récupérer des locaux, des entreprises nouvelles, et donc de la taxe professionnelle. Mais, dans les petites cités qui viennent de perdre leur tribunal ou une entreprise, qui craignent pour leur hôpital et qui vont voir partir leurs soldats et leurs familles, la facture risque d'être salée.

    L'armée n'est plus là pour faire de l'aménagement du territoire, répète le ministre de la Défense depuis un an. Si ce n'est plus elle, il faudra bien trouver des compensations et, surtout, éviter de fermer les « régiments PS » au profit des « bases UMP ». La politisation et l'inéquité seraient les meilleurs moyens d'allumer des incendies au coeur de l'été.


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